mardi 14 octobre 2014

Comment passer à côté d'un bon thé (ou pas)

Il y a quelque temps, j'avais écrit un billet pour affirmer que c'est à la maison qu'on boit le meilleur thé. Pourtant, même à la maison, on peut passer à côté d'un bon thé et ne pas le reconnaître.

La faute à qui ? Plutôt que de chercher un coupable : le vendeur qui a mal renseigné, le consommateur qui a mal préparé... nous examinerons sept facteurs qui peuvent nous faire passer à côté d'une belle rencontre.


En supposant que vous ayez des feuilles de thé de qualité, les sept facteurs examinés ici sont dans un ordre non hiérarchique : l'eau, la théière, la quantité de feuilles, le temps, le rythme, la culture et les souvenirs.

1. L'eau : la qualité de l'eau et sa température sont fondamentaux pour un bon thé.

1 Qualité de l'eau

  • Minéralité
Une eau trop calcaire ou trop chlorée peut tuer un thé. L'eau minérale n'est pas forcément la meilleure eau pour le thé, parfois l'eau de source est plus adaptée car moins minéralisée.

  •  Salinité
Parfois l'eau est un peu salée naturellement, cela a aussi un effet sur le thé.

  •  Goût
Une eau ayant un goût désagréable n'est pas adaptée, on peut faire un thé à blanc (sans feuilles de thé) pour goûter l'eau.

2 Température de l'eau

  •  Trop froide
Il ne faut pas brûler un thé délicat en l'infusant avec une eau trop chaude, c'est typiquement le cas des thés verts. Mais si l'eau est insuffisamment chaude, les composés du thé restent dans les feuilles et ne vont pas dans la liqueur et donc pas dans votre tasse.

  • Trop chaude
Trop chaude, l'eau peut détruire les composés du thé qui sont sensibles à la chaleur et faire ressortir de l'amertume à la place des composés délicats et agréables.

  • Si l'eau a bouilli trop longtemps
Il est conseillé de faire bouillir l'eau à la demande et non pas d'avoir une grosse bouilloire à laquelle on ajoute de l'eau pour compléter le niveau.

2 La théière : de bonnes feuilles méritent une bonne théière.

1 Théière mal lavée

Comme vous le savez, jamais de produit vaisselle dans une théière en terre. Il vaut mieux rincer la théière à l'eau. Le mauvais rinçage d'une théière en porcelaine passée au lave vaisselle (c'est une forme plus compliquée qu'un bol) peut gâcher le goût d'un bon thé... Chouchoutez vos théières.

 2 Théière trop grosse

Si la théière n'est pas chauffée, l'eau pour l'infusion sera trop froide car refroidie par la théière. En raison du volume, le temps d'infusion est augmenté. Une grosse théière n'est pas propice à la multiplication des infusions. On risque de lisser les caractères du thé et d'avoir d'un coup beaucoup de thé trop chaud puis le reste du thé trop tiède et oxydé.

3 Théière trop petite

Si la théière est trop petite, elle risque de se refroidir très vite (ce qu'on peut compenser en versant régulièrement de l'eau sur la théière) ; mais surtout, on risque de devoir faire des acrobaties pour avoir assez de thé pour tous, en faisant des infusions très rapides. C'est tout de même plus facile que de faire avec une trop grosse théière.


3 La quantité de feuilles par rapport à la théière

La quantité de feuilles dépend du nombre de buveurs, elle doit être en bonne proportion par rapport au volume de la théière.

 1 Trop

Trop de feuilles (par rapport à la taille de la théière) et on se laisse avoir par le temps d'infusion ; le thé a infusé trop longtemps. On ne discerne plus les subtilités du thé.

2 Trop peu

Trop peu de feuilles (par rapport à la taille de la théière) et l'infusion paraît insipide. Le goût est « très subtil » mais on soupçonne que le Roi est nu.

4 Le temps et la durée

Un bon thé prend du temps (entre quelques minutes et plusieurs heures). :)

1 Infusion

Un bon thé supporte divers temps d'infusion ; mais parfois, trois minutes c'est trop, quelques dizaines de secondes auraient suffi..

2 Dégustation

Quand on donne du temps au thé, il vous le rend bien. Pas de dégustation à la hâte ou en faisant autre chose. C'est le moyen le plus sûr de passer à côté du thé.

5 Le rythme

C'est une chose que l'on acquiert avec la pratique. Cf. Gongfu Cha

1 Préparer

Préparation du matériel, choix des feuilles, c'est aussi se préparer intérieurement à la dégustation.

2 Infuser

Quand on déguste un thé, l'infusion se fait avant de boire et pendant qu'on est en train de boire. Parfois aussi, il est bon de faire une pause avant de refaire infuser un thé pour le ressentir.

3 Sentir

Si l'on boit avec sa bouche, il ne faut pas négliger son nez : sentir les feuilles sèches, sentir les feuilles humides, sentir le couvercle du zhong (gaiwan), utiliser une tasse à sentir...

4 Boire

Il faut boire le thé à la bonne température, ni trop chaud, ni trop froid. Ne pas le boire rapidement, prendre le temps de faire circuler le thé dans la bouche et la gorge.

5 Ressentir

Prendre du temps entre deux gorgées de thé. Prendre du temps entre deux tasses pour apprécier l'effet du thé et la longueur en bouche et l'effet sur le corps.

6 La culture

Le thé est présent dans de nombreuses grandes civilisations, chacun arrive au thé avec ses propres références culturelles.

1 Selon les références culturelles que l'on a

Quelqu'un qui a biberonné au thé sucré, au lait ou aux thés aux épices ou parfumés sera peut-être surpris par un thé nature. Quand on dit thé, chacun a en lui, une image ou un paysage de références, tout ce qui est différent peu susciter le rejet ou la surprise.

2 La connaissance du thé et de ses modes de préparation

On boit du thé en Chine depuis très longtemps, les modes de dégustation ont évolué, mais préparer un bon thé vert chinois dans une boule à thé à la manière d'un thé anglais n'est pas quelque chose que je recommande si vous souhaitez l'apprécier pleinement.


7 Les souvenirs et la comparaison

Le thé, moment de convivialité par excellence, évoque la détente et le partage. Chacun vient au thé avec son vécu antérieur.

1 Ne pas être dans l'instant

Etre dans les souvenirs, c'est le risque de ne pas être ici et maintenant avec le thé qu'on a. Le goût du thé change avec celui qui le boit. Nous changeons, nos goûts changent et si nous cherchons à retrouver un goût particulier que nous avons connu, nous pourrions être déçus.

2 Comparer à un thé qu'on a bu

Un autre moyen de passer à côté du thé que l'on boit, c'est de le comparer à un autre thé, plus cher ou moins cher ou d'un autre fournisseur, en jouant à « mon thé est meilleur que le tien », on passe à côté de ce que le thé peut donner.

3 Comparer à des descriptions lues sur internet...

Le meilleur thé ? Il est sur internet, sur les blogs et les forums ; nimbé d'éloges et de superlatifs qui font rêver... L'herbe a l'air plus verte dans la prairie du voisin, parfois même le marketing veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Tant qu'on n'a pas goûté un thé, on ne peut pas savoir exactement comment il est pour nous. Le thé est au-delà des mots et des descriptions, chacun le voit à travers les filtres de son expérience, il y a plusieurs points de vue possibles, plusieurs sons de cloches. 

Parfois il faut un peu de temps pour apprivoiser un thé en le préparant plusieurs fois ou en changeant quelques paramètres dans la préparation.

Finalement, le meilleur thé est celui qui est dans votre tasse ici et maintenant, à condition bien sûr de ne pas passer à côté. 

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