vendredi 22 juin 2012

Thé, Eau et Matériaux : comment faire une bonne infusion ?

J'aimerais répondre avec mes modestes connaissances à l'article de David, dont l'excellent blog, la Voie du Thé, est illustré de très belles photos. L'auteur nous prévient dès le début de l'article :
" On parle d'influence d'une théière sur le thé, mais d'un point de vue chimique, c'est surtout sur l'eau qu'il y aura une différence. Il suffit de boire l'eau sortant d'une théière pour s'en rendre compte. Tout ce qui va être dit ici pourra - à juste titre - être considéré comme "extrême" par certains. Le but n'est pas de changer vos habitudes, juste d'expliquer ce qui se passe de façon assez précise."
Puisqu'il s'agit d'exprimer les choses précisément, j'aimerais préciser quelques points.

D'abord, je ne suis pas d'accord avec la conclusion du billet qui semble aller dans le sens du zhong en porcelaine comme unique moyen de préparer le thé. Je trouve dommage d’abandonner des théières Yixing en raison de leur influence sur la préparation du thé. Influence ne signifie pas nécessairement influence négative. Il y a des influences positives. De plus, les bonnes théières sont faites pour faire du thé et pas seulement pour décorer.
Ensuite, deux paramètres importants n'ont pas été mentionnés : la bouche (et le nez) du dégustateur et les échanges liquides-gaz qui prennent part dans les interactions feuilles de thé-eau-matériaux.

1. Suivant l'état de la bouche du dégustateur, ce qui a été bu, senti ou mangé avant, le thé sera différent. Pour ces raisons, la première tasse et la deuxième tasse d'une même liqueur peuvent sembler différentes.

2. Il y a des échanges gazeux entre le liquide et l'air ambiant. Ceci va également modifier le goût du thé. Les composés volatils du thé, l'oxygène et le CO2 sont les principaux éléments, les élément minéraux sont également concernés indirectement (voir équilibre calco-carbonique).
Enfin, il existe des phénomènes de surface sur les matériaux à l'interface solide-liquide qui sont mentionnés dans l'article.

Tout ceci, me fait penser à l'histoire zen du maître facétieux qui demandait à son élève si le bon goût était dans la langue ou dans le melon. Après que l'élève eu longuement parlé pendant que le maître se régalait du melon, il lui dit de manger et d'en apprécier le goût indépendamment de l'explication.
La science apporte ses lumières mais l'objectif est de boire un bon thé (parce que vous le méritez).

Je suis d'accord que les gens qui veulent juger un thé le préparent d'une manière standardisée afin de pouvoir plus facilement le comparer avec d'autres thés. Mais ce faisant, le thé ne sera pas forcement dans les meilleures conditions pour donner le meilleur de lui-même. Pour que le thé donne le meilleur de lui-même, il faut le préparer avec attention et sur une période assez longue, il faut l'apprivoiser en quelque sorte. Comme pour la musique ou la peinture, on ne saisit pas tout de prime abord. C'est pourquoi, je pense qu'il est délicat de donner un avis définitif sur la base d'un échantillon. Il y a de grande différences entre goûter un thé pour le choisir, l'acheter, le sélectionner ou l'éliminer et le déguster tranquillement. D'ailleurs, les goûteurs recrachent le thé, ce qui n'est pas le cas de l'amateur. Un échantillon donne plutôt envie d'en connaître davantage.

Si on reprend le parcours de l'eau lors de la préparation du thé :

1. Elle arrive dans la bouilloire avec plus ou moins de gaz dissous et de minéraux (selon son histoire antérieure et la façon de verser), elle rencontre les minéraux et autres matériaux présents dans la paroi de la bouilloire. En raison de la température, de la convection, il y a beaucoup d'échanges. Faire bouillir une eau peu minéralisée (Mont Rouscous) dans une théière entartrée conduit l'eau à se recharger en minéraux. Faire bouillir une eau beaucoup minéralisée (certaines eaux dures) peut conduire à entartrer la théière. (voir également l'équilibre calco-carbonique).

2. L'eau quitte la bouilloire pour aller dans la théière, sa température change et il y a des échanges gazeux plus ou moins importants selon la façon de verser l'eau. La concentration des gaz dissous est inversement proportionnelle à la température.

3. Elle rencontre les feuilles et la surface de la théière. Quels sont les phénomènes de convection dans la théière ? Ils dépendent à mon avis de la taille de la théière et de la quantité de feuilles de thé. Il existe des phénomènes d'adsorption au niveau de la paroi. Imaginez des éléments présents sur la paroi qui repartent dans l'eau et des éléments présents dans l'eau qui se fixent à la paroi de la théière. Ces phénomènes devraient logiquement être plus importants avec un matériau poreux qu'avec un matériau lisse.
Egalement, il y a des échanges gazeux avec l'utilisation d'une théière par le bec et le trou du couvercle.Quantifier ces phénomènes me parait difficile.

4. L'eau devenue thé, quitte la théière pour le pichet. Nouveaux échanges gazeux et interactions avec la paroi du pichet. Grande influence de la façon de verser et de la température et du temps de contact à l'air ambiant.

5. Le thé arrive dans la tasse senteur ou pas(idem) puis dans la tasse puis dans la bouche du dégustateur.

6. Je n'ai pas parlé de la passoire (en inox ou non), qu'on utilise (elle n'est pas toujours nécessaire). Le temps de contact est court. Il est difficile d'évaluer son influence, il faut tester.

On pourrait vouloir supprimer des étapes et boire à même un zhong (gaïwan) pour goûter "l'essence du thé", mais je ne suis pas pour cette extrémité sauf pour un thé qui s'oxyderait extrêmement vite, d'abord pour des raisons de température, ensuite de temps d'infusion..

Comme pour le vin, tout ceci est un art subtil. Souvenez-vous de l'importance du verre sur la qualité des bulles de Champagne, des vins qu'il faut ouvrir plusieurs heures avant la dégustation (oxydation par l'air), de ceux qu'ils faut mettre en carafe (oxydation et décantation)... Bien sûr, on pourrait dire que pour pouvoir les comparer objectivement, il faut un verre standardisé et servir tous les vins à la même température, mais ce ne serait vraiment pas l'idéal, n'est-ce pas?

Avec beaucoup de feuilles et un temps d'infusion très court, un zhong est très adapté. C'est ce qu'on a quand on goûte un thé pour l'acheter en Chine. On obtient une infusion concentrée qui frappe le palais et on peut goûter beaucoup de thés et en choisir un parmi plusieurs qu'on élimine (attention à l'ordre des dégustations). Pour faire du thé chez soi, on peut rechercher des infusions plus longues et utiliser une petite théière Yixing.

La préparation du thé est un art millénaire qui évolue encore, grâce à la science et à la passion des amateurs de thé.

Les feuilles sont un élément essentiel pour la préparation d'un bon thé, et il est conseillé de préparer le thé avec attention. L'exercice proposé de faire un thé "à blanc" c'est-à-dire sans les feuilles, uniquement avec de l'eau est intéressant. On verra l'influence des thés préparés auparavant et/ou du lavage des ustensiles (attention aux produits détergents, jamais pour la théière). Traditionnellement, on rince tout à l'eau chaude, puis on rince les feuilles de thé et l'eau de rinçage sert à rincer le matériel de préparation et de dégustation du thé. Ensuite, je fais une première infusion très légère qui va rincer la bouche et les infusions suivantes vont peu à peu saturer les papilles comme un bonheur qui monte. Ensuite une pause pour chauffer encore de l'eau et apprécier la longueur en bouche du thé (promener la langue sur les gencives, autour des dents...). Puis les infusions suivantes jusqu'à ce que d'autres rencontres nous appellent (on pourra continuer plus tard après un rinçage flash ou pas de rinçage) ou que les liqueurs s'affadissent. Après les sommets, il faut bien redescendre. Selon les types de thés, je préfère la terre ou la porcelaine (exception du verre pour les fleurs de thé) pour la théière, un matériau neutre pour les passoires, un pichet en verre ou en terre ou en porcelaine (ça dépend) et des tasses en porcelaine ou terre(extérieur)-porcelaine(intérieur) .

Mais ceci n'est qu'un avis personnel. Discutons-en.

Chaque infusion est une rencontre, comme avec un ami,
on n'a jamais fini de se découvrir et de s'apprécier.


Table à Thé chez Lihua Explorateur de Chine

Vous pouvez trouver différents articles pour la préparation du thé, ainsi que des thés chinois chez Lihua Explorateur de Chine, 98 rue St Dizier à Nancy ou sur www.lihua.fr
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...